Derrière la souplesse méditative du yoga et le tournoiement de la danse derviche se retrouve une même quête : celle de la connaissance de Soi.
Ce lien entre la danse des derviches tourneurs, l’art et la spiritualité, l’association Yosoli* a demandé à Claire Giraud de l’expliquer dans un article, pour sa  revue « Regard » à l’automne 2024.
Le voici retranscrit dans son intégralité.

*Yosoli ou « yoga, souffle de liberté » est une association qui regroupe 3000 adhérents à travers la France.

article la danse mystique des derviches tourneurs publié dans le numéro 68 de la revue Regard en automne 2024

La danse mystique des derviches tourneurs, une voie de Connaissance vers le soi.

« Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais pas déjà trouvé. »

Claire Giraud est passionnée par la danse des derviches tourneurs et le soufisme. Danseuse classique de formation puis infirmière, elle s’est formée à la danse thérapie. Depuis 10 ans elle s’est spécialisée dans la transmission de cette danse dans les Hautes Alpes. Vous la rencontrerez dans son lieu près de Gap, écrin de montagne et de verdure, où elle donne régulièrement stages et ateliers.

Elle nous partage son vécu sur sa pratique.

La danse de tournoiement existe depuis la nuit des temps sous différentes expressions suivant les régions.

La danse des derviches tourneurs est originaire de Turquie à Konya. Elle a été initiée par Djalâl-od-Dîn Rûmî (1207-1273) dit aussi Rûmî. C’est un des plus grands poète et mystique persan, soufi et fondateur de l’ordre des Mevlevis.

Après la disparition douloureuse de son maître Sham’s de Tabritz, c’est en tournant inlassablement sur lui-même que Rûmî a compris que le maître disparu n’était autre que le miroir de lui-même.

C’est cette quête inlassable du Bien-Aimé et de l’amour qui est la clef de l’enseignement de Rûmî et sur laquelle j’ai basé ma transmission.

La danse du Sâmâ, du microcosme au macrocosme

Le Sâmâ signifie « Ecouter ».
Au temps de Rûmî on décrit le Sâmâ comme une danse fortement participative, libre et dans un espace-temps non limité.

Après sa mort, le sâmâ a été codifié dans un oratorio liturgique : les danseurs, le plus souvent au nombre de neuf, tournent sur un cercle initié par le maître soufi ou sheikh pendant une durée de 45 minutes.
Les danseurs représentent symboliquement le mouvement des planètes qui tournent autour du soleil.
De quelque façon que vous dansiez le sâmâ, l’essentiel me semble résider dans ces mots :

«Sache que ce cercle à deux faces différentes ; mets l’une à droite et l’autre à gauche. La face de droite est le monde extérieur, la face de gauche le monde intérieur. »

portrait de Claire Giraud, auteure de cet article la danse mystique des derviches tourneurs - Revue Regard N° 68 automne 2024
Quand je danse et tourne sur moi-même je me sens rentrer dans un espace où je me sens rassemblée au creux de mon âme,
tout en étant étrangement complètement présente au monde extérieur. Je me sens dans un état de félicité, comme « du déjà connu », lorsque mon âme était encore dans son état originel. Cela me procure apaisement, ancrage, plénitude et joie. Quand j’ai vu pour la première fois quatre jeunes garçons derviches s’élancer dans leur danse et déployer leur grande jupe blanche, mon coeur a pleuré, et j’ai su que je désirais transmettre cette danse qui touche si fort le coeur de ceux qui la contemplent.

Cette danse est porteuse d'un mystère que seul l'expérimentateur peut découvrir.

Chaque danse est un voyage intérieur unique. C’est un mouvement où la pensée devient de plus en plus calme. Et en soi c’est un excellent outil pour apaiser le mental. Au début le danseur recherche d’abord son équilibre et en cela c’est mon travail de l’amener progressivement vers cette verticalité. Et petit à petit vient l’extase, l’ivresse de cette danse et la joie de retrouver le lien avec sa Source. Je pense que ce mouvement, certes un mouvement universel, est porteur d’un grand potentiel.

Rûmî disait :

«Dans les cadences de la musique et de la danse est caché un secret, si je le révélais il bouleverserait le monde. »

Un jour où je tournais dans un groupe que j’animais, j’ai senti l’énergie de la spirale m’enrouler et m’emporter avec mes bras qui s’élevaient vers le ciel, et tout mon corps emporté dans un vortex puissant. Instant de grâce qui ne s’est pas reproduit, cependant qui m’a conforté dans la puissance et le mystère de ce mouvement.

La rencontre avec le Bien-Aimé

«Au début, le sama peut juste vous attirer, sans que vous en goûtiez le sens profond. Vous imitez alors le mouvement des derviches, mais si votre désir profond est pur, il vous amènera à la Vérité essentielle... »

De cette danse soufie qui prend toute son ampleur et sa force au sein d’un groupe, je mets en garde le danseur afin qu’il s’engage progressivement vers un état intérieur de calme et qu’il lâche sa recherche extatique. Et en cela je me sens fidèle à l’esprit du soufisme qui ne cherche rien et s’abandonne à la Source afin de vivre la rencontre avec le Bien-Aimé. Et c’est vraiment cette rencontre qui m’habite dans ma transmission. Le soufisme est la voie de l’Amour et de l’Unité. Je dis souvent en animant et en parlant du Bien- Aimé : « Il y a si longtemps qu’il vous attend. » Cette rencontre est si précieuse et attendue de notre Être. Et les derviches à la fin de leurs danses, en position de salutation, les deux bras repliés sur leur coeur, laissent fléchir leur tête sur leur coeur, pour en écouter les messages silencieux. Et je suis persuadée que ce mouvement incessant de tournoiement du corps est une clef qui mène le danseur à cette rencontre de manière évidente et simple.

Une danse de guérison

Bien que confrontante il est vrai, cette danse semble s’avérer un outil de santé. Mon époux, médecin holistique, m’aide et participe à mes stages et s’intéresse particulièrement aux bénéfices thérapeutiques de ce mouvement pour les troubles de l’équilibre et ceux de la vue et de l’oreille interne. Paradoxalement cette danse est donc une indication toute particulière pour ceux qui ont des vertiges, à condition d’avoir un accompagnement sécurisé, et en dehors de troubles graves bien sûr.

Claire Giraud en pleine danse cosmique pour illustrer cet article la danse mystique des derviches tourneurs - Revue Regard N° 68 automne 2024

Le sacré de cette danse

La danse derviche s’inscrit dans une tradition ancestrale de danses sacrées. Et je vous recommande le livre d’Eva Meyerrovitch : « Rûmî et le soufisme », femme au destin remarquable, qui la première a traduit les livres de Rûmî en français au début du 20e siècle.
Depuis toute petite je crois avoir conservé cette innocence et ce lien ouvert avec le sacré. Et cette danse pratiquée dans la posture du petit enfant abandonné à l’inconnu, me semble tout particulièrement ouvrir la porte du Sacré en nous.

«Puisse votre danse devenir une prière vivante pour le monde . »

Une danse pour la paix

Quand je danse je le vis comme une prière qui tourne et retourne à l’infini à l’intérieur de moi. Et de toutes ces prières spiralées se dessine un grand vortex qui diffuse tout autour. Et quand nous dansons en groupe ce sâmâ prolongé en le dédiant à la paix, alors oui je pense que d’immenses vortex d’amour montent de nos danses et diffusent au monde entier.

J’ai 61 ans et je me sens porteuse de cette danse, et avec humilité, obéissance et courage, je désire redistribuer ce qui m’a été offert transmis, fruit et aboutissement de bien des recherches autour du mouvement et de la spiritualité.

2 réflexions sur “La danse mystique des derviches tourneurs, une voie de Connaissance vers le Soi”

  1. Catherine Gouin

    Bonjour Claire,
    Je me demandais si vous offriez la possibilité d’offrir des stages pour s’initier à la danse sema soufi sur Zoom ? Je suis au Québec. 🙂
    Merci,
    Catherine

    1. Bonjour Catherine,
      Merci de votre élan vers la danse soufie des derviches tourneurs, le Québec…quel beau pays où je ne suis encore jamais allée.
      Alors cela fait plusieurs fois que l’on me demande si je fais des enseignements par zoom.
      Jusque là je m’y suis refusée, préférant vraiment le présentiel et le travail en groupe.
      Je vais cependant m’y pencher, pour des séances en zoom, individuelles, si vous connaissez un peu la technique de cette pratique pour la danse, je suis preneuse, et vous aurez ainsi contribué à ouvrir le chemin de la technique!
      Et pourquoi ne pas venir nous rejoindre sur le prochain stage du mois juillet, du 8 au 13 juillet 2025?..5 jours seraient profitables pour ce voyage.
      Je garde donc votre contact bien au chaud.
      Vous pouvez m’écrire directement sur mon adresse email professionnelle :
      claire@dansetournante.com
      Bien chaleureusement.

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